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Document Details :

Title: Karl Löwith et le nihilisme japonais
Author(s): STEVENS, Bernard
Journal: Revue Philosophique de Louvain
Volume: 92    Issue: 4   Date: Novembre 1994   
Pages: 508-545
DOI: 10.2143/RPL.92.4.556274

Abstract :
Du souffle puissant qui a porté la philosophie allemande de Leibniz à Heidegger, Löwith était un des derniers penseurs à encore vivre (avec quelques signes d'essoufflement tout de même). Si - lors de sa rencontre avec Nishida, à l'époque la plus critique de la formation de l'identité nippone contemporaine - il avait saisi l'ampleur de l'enjeu, il aurait eu l'occasion de donner une nouvelle tournure à sa recherche philosophique et, peut-être, d'ouvrir une possibilité inouïe à la pensée occidentale contemporaine, plutôt que de rester cet honnête commentateur des ouvrages classiques. Mais - parce que, dans son européocentrisme, il y avait chez lui davantage de 'refus' de l'Orient qu'il n'y avait, chez les penseurs japonais, de refus de l'Europe - il n'a vu que l'aspect nihilste de la culture japonaise et il est ainsi resté insensible à l'étonnant événement de pensée qui était en train de ce produire pratiquement sous ses yeux. Retenu à l'intérieur du cercle auto-limitatif du logos occidental-hégelien, il ne pouvait entendre le 'logos' japonais (ou, si l'on réfère, son koto: 'parole', mot, affaire, Sache, dont le kokoro est alors l'esprit, le sentiment ou la 'saveur' propre). Parmi les efforts louables qui ont été faits depuis en Europe, et malgré certaines perspectives prometteuses qui s'y dessinent, nul n'a encore atteint une envergure digne de propos.

Löwith was one of the last thinkers to live from the powerful oxygen that wafted German philosophy from Leibniz to Heidegger (even if he showed signs of breathlessness). If - at the time of his meeting with Nishida, at the most crucial moment for the formation of contemporary Japanese consciousness - he had grasped the importance of what was at stake, he would have had the opportunity to turn his philosophical research in a new direction, and, possibly open up an unheard-of possibility for contemporary Western thought, rather than remain the honorable commentator of classical works. But - because in his Eurocentrism there was more refusal of the East than there was refusal of Europe on the part of Japanese thinkers - he saw only the nihilist aspect of Japanese culture, and hence he remained insensitive to the remarkable development of thought that was taking place virtually before his eyes. Being held back within the self-limitative circle of Western-Hegelian logos, he was unable to grasp the Japanese 'logos' (or koto: 'speech', word, matter, Sache, of which kokoro is the spirit, the feeling or the 'taste' proper to it). Among the laudable efforts that have since been undertaken in Europe, and in spite of some promising perspectives on the horizon, no one has yet produced a level worthy of the topic.

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