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Title: Le rôle de la littérature karaïte dans l'histoire de la littérature juive au Xe siècle
Author(s): DRORY, Rina
Journal: Revue des Études Juives
Volume: 159    Issue: 1-2   Date: janvier-juin 2000   
Pages: 99-111
DOI: 10.2143/REJ.159.1.152

Abstract :
Où et quand se situe le début de l'influence arabe sur la littérature juive? Une conception étriquée de la notion de «littérature» place les premiers contacts des Juifs avec la littérature arabe dans la péninsule ibérique. Contre cette idée, nous avançons la thèse selon laquelle ces contacts ont débuté à l'est de l'empire musulman. En effet, si l'on prend en considération l'ensemble de la production littéraire juive de la première moitié du Xe siècle on constate que la littérature rabbanite était gouvernée par des modèles fortement établis de production de textes. Aucun matériau nouveau ne pouvait être incorporé dans un texte rabbanite à moins d'être façonné d'après les modèles classiques et d'utiliser des éléments du répertoire traditionnel. La littérature rabbanite manifestait ainsi tous les symptômes d'une stagnation. Les Karaïtes, en revanche, mus par un refus total de l'idéologie rabbanite et par un désir de poser une alternative à son institution littéraire, étaient à la recherche de nouveaux modèles d'écriture non utilisés auparavant, ce qui les orientait vers le grand répertoire de la littérature arabe, facilement accessible dans la culture environnante. Saadia Gaon combattit l'idéologie karaïte, mais en utilisant les modèles d'écriture mêmes de ses adversaires. Ce faisant, il ouvrit à la littérature rabbanite la possibilité d'utiliser des modèles d'écriture empruntés à l'arabe; ce choix était en effet impossible, tant que ces modèles étaient utilisés uniquement par les Karaïtes. Il reste que l'activité littéraire de Saadia doit être appréciée dans le contexte de l'activité littéraire karaïte. L'ouverture de la voie d'un renouveau de la littérature juive fut la première contribution importante des Karaïtes à la culture juive du début du Xe siècle. La deuxième est l'introduction de l'écriture comme mode de production de texte, alors que la littérature rabbanite antérieure s'était constituée pour l'essentiel sur la base d'une mise par écrit a posteriori d'enseignements oraux au départ. La troisième contribution, enfin, fut de fournir un cadre linguistique approprié pour les nouveaux modèles d'écriture: il s'agit de l'établissement d'une division de fonctions entre l'hébreu et le judéo-arabe comme langues d'écriture de la littérature juive.

When and where did Arabic interference with Jewish literature under Muslim rule first occur? Against a received view which, based on a narrow definition of “literature”, places the earliest Jewish contacts with Arabic literature in Spain, it is argued here that these contacts began in fact in the Muslim East. A consideration of the overall Jewish literary output in the first half of the tenth century shows that Rabbanite literature was governed by strongly entrenched models for text production. No new literary material could be admitted in a Rabbanite text unless it be molded after the classical models and make use of items from the traditional repertoire. Rabbanite literature thus displayed definite symptoms of stagnation. The Karaites, in contrast, motivated by a complete negation of Rabbanite ideology and a desire to supplant its entire literary institution, were in search of new models of writing. The quest for fresh, unused models led them to the large repertoire of Arabic literature, which was readily accessible in their culture. Sa‘adya Gaon fought to refute Karaite ideology, using the very same writing models as the Karaites themselves. In so doing he offered Rabbanite literature the option of using reworked writing models appropriated from the Arabic, an option that had been closed to the Rabbanites as long as these models had been associated exclusively with the Karaites. Yet the significance of Sa‘adya Gaon's literary activity must be assessed against that background of the Karaite literary activity. The introduction of this option for change and renewal into Jewish literature was the first major contribution of Karaite literature to the Jewish culture of the early tenth century. The second was that whereas formerly Rabbanite literature had been constituted mostly through writing down oral teachings, Karaite literature introduced writing as an official mode of text production. The third contribution of Karaite writing was the preparation of a language-setting for the new literary models, that is, the establishment of a division of functions between Hebrew and Judeo-Arabic as the languages of writing for Jewish literature.


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