previous article in this issue | next article in this issue |
Preview first page |
Document Details : Title: La vigne et le vin en Chine. Misères et succès d'une tradition allogène. Subtitle: II vins, vignes et vignerons de Tourfan Author(s): TROMBERT, E. Journal: Journal Asiatique Volume: 290 Issue: 2 Date: 2002 Pages: 485-563 DOI: 10.2143/JA.290.2.504300 Abstract : La vigne est omniprésente dans les manuscrits en chinois retrouvés à Tourfan, documents administratifs et privés, registres, comptes et contrats datant du Ve au VIIIe siècle. Il en est question dans n'importe lequel de ces textes dès lors qu'il traite de questions agraires. Le vignoble était constitué d'une multitude de petites parcelles situées principalement en zone péri-urbaine. Elles étaient exploitées par les familles paysannes, mais aussi par les temples et les monastères. Il existait également quelques domaines plus étendus gérés par l'État. La vigne était la première des cultures non céréalières, devant les cultures textiles, et la part que lui consacrait chaque exploitation familiale avoisinait sans doute les 20 %. La viticulture s'intégrait parfaitement dans le cadre d'une polyculture en avance sur son temps, très performante sur le plan céréalier et déjà très diversifiée, faisant une large place aux cultures commerciales. L'étude des contrats de vente, de prêt et de fermage montre que la valeur des vignes et leur rentabilité égalaient celles des meilleures terres céréalières. Elle montre aussi que les activités viticoles avaient engendré des pratiques nouvelles l'organisation du travail, les modes de faire-valoir et les formes de crédit. Le caractère lucratif et innovant de la viticulture s'explique par la destination de la production. En effet, la majeure partie des récoltes servait à fabriquer des produits commercialisables destinés à l'exportation: des raisins secs ou conservés d'une autre manière, et surtout du vin. Quelques documents (complétés par d'autres sources écrites en ouïghour) permettent de préciser la nature de ces produits vinicoles et d'en vérifier la diversité et la valeur commerciale; parmi eux, on décèle l'existence de vins de bonne qualité, assez alcoolisés, autrement dit de vins de garde. Une comparaison avec l'oasis voisine de Dunhuang un pays de buveurs de bières où la vigne et le vin sont quasiment absents, réservés à l'élite locale amène à s'interroger sur la signification profonde du succès de la viticulture à Tourfan. Les documents de Tourfan dont on dispose sont trop tardifs pour renseigner sur l'introduction proprement dite de la vigne dans cette région, même s'ils invitent à accorder un rôle primordial aux Sogdiens et autres Iraniens orientaux. En revanche, les textes permettent de comprendre pourquoi ce succès fut aussi étendu et aussi durable. Le fort enracilement local, et notamment rural, de ces populations iraniennes explique qu'elles soient parvenues à populariser leur goût pour le vin et le raisin dans une société déjà très cosmopolite et ouverte; le même phénomène avait déjà été observé en ce qui concerne certains textiles. En définitive, le succès durable de la viticulture à Tourfan témoigne de la singularité de ce territoire au plan démographique, économique et culturel. A travers ce constat, on vérifie encore une fois que boire du vin plutôt que de la bière ne fut jamais, à travers le monde, un choix innocent. Wines, vineyards, and winegrowers in Turfan Vineyards are ubiquitous in Chinese-language manuscripts discovered in Turfan, whether they are administrative or private documents, registers, account, or contracts, dating back to the fifth to eighth centuries. They are mentioned in all of those texts as soon as agricultural issues are discussed. Vineyards were spread over multiple small plots located mainly close to the cities. They were managed by ordinary peasants, but also by temples and monasteries. There were also a few larger estates managed by the government. Grape vines were foremost in agriculture (outside of grain), more important than plants grown for textile products, and their share in the average family farm was probably close to 20 %. Winegrowing was a perfect fit in a mixed farming system that was ahead of its time; it was a high-performance system with respect to grain and it was very diversified, with a considerable commercial crop component. The study of sales, lease, and loan contracts reveals that the value of the vineyards and their profitability were equal to those of the best grain growing land. This study also shows that winegrowing activities had led to new methods concerning division of labor, agricultural techniques, and credit practices. The profitable and innovative aspects of winegrowing can be explained by the destination of the production. Most of the crop was used to produce commercial products for export: raisins or grapes preserved in some other manner, and mostly wine. A few documents (confirmed by other sources written in Uighur) enable us to specify the nature of these grape-based products and to verify their diversity and commercial value; among those, we noted the existence of quality wines with a fairly high alcohol content, in other words wines that could be preserved. A comparison with the neighboring oasis of Dunhuang — an area where people drank beer and where vineyards and wine were practically absent, except for the enjoyment of the local elite — leads us to question the real meaning of the success of winegrowing activities in Turfan. The documents from Turfan that are available date back to periods that are too late to provide information on the introduction of vineyards in the area, although they tend to indicate that Sogdians and other Eastern Iraniens played a major role in this respect. The documents, however, enable us to understand why this success was so widespread and long lasting. The strong local presence of these populations, especially in rural areas, accounts for the fact that they succeeded in spreading their taste for wine and grapes among a society that was already quite cosmopolitan and open to new trends; the same phenomenon had already been observed for some textiles. Finally, the long-lasting success of winegrowing in Turfan bears witness to the unique demographic, economic, and cultural character of this territory. This fact enables us to reiterate that, throughout the world, choosing wine over beer has never been a value-neutral proposition. |
|