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Document Details : Title: «Des prédicats à perte de vue...» (Ryle 1933): pour quoi faire? Subtitle: Ethnocentrisme et tabous Author(s): LERMARÉCHAL, Alain Journal: Bulletin de la Société de Linguistique de Paris Volume: 117 Issue: 1 Date: 2022 Pages: 51-109 DOI: 10.2143/BSL.117.1.3291559 Abstract : Le but de cet article est de présenter de façon synthétique le dernier état du cadre théorique mis en oeuvre dans mes travaux récents. Si certains de ses éléments n’ont pas changé depuis le début, les orientations nouvelles apparues depuis, et dont l’exposé s’est trouvé dispersé au gré des thèmes abordés, n’ont pas manqué. La notion de «multiprédicativité», quant à elle, semble avoir toujours aussi mauvaise presse chez bon nombre de linguistes d’obédiences diverses. Or, les «langues multiprédicatives», qui se définissent par le fait que d’autres parties du discours que le verbe peuvent exercer la fonction de prédicat syntaxique sans l’intervention d’une copule, verbe «être» ou autre élément copulatif, nous montrent pourtant deux choses absolument essentielles: *La première est qu’en l’absence de l’élément considéré classiquement comme voué à la prédication non verbale, la bonne question est «comment ça peut marcher?» en l’absence même de cet élément – au lieu de supposer l’existence de quelque «zéro» ou de quelque opérateur caché. On en tire un principe heuristique et un instrument de lutte contre l’ethnocentrisme qui se révèle d’une force singulière pour peu qu’on en fasse systématiquement usage dès que le cas se présente: «lorsqu’on se trouve confronté à des langues présentant une marque, ou tout autre élément particulier, et d’autres d’où cet élément est absent (comme, par exemple, des langues ou des structures «avec» vs «sans» copule), il est de bonne méthode de partir des langues ou structures «sans» avant d’expliquer les langues ou structures «avec», c’est-à-dire expliquer d’abord ce qui fait que la «structure sans» fonctionne en l’absence même de l’élément considéré, et, ensuite seulement, ce qu’ajoute cet élément là où il est présent, et non pas le chemin inverse». *La seconde est que l’existence d’une copule, verbe «être» ou autre élément copulatif, n’est nullement nécessaire pour qu’une relation de prédication s’établisse entre un adjectif (ou équivalents), un nom, un adverbe ou un syntagme adverbial (ou équivalents) et le terme auquel il se rapporte, et cela pour la bonne raison que nom commun, adjectif, adverbe et syntagme adverbial de repérage sont eux-mêmes des prédicats: la copule n’y est pour rien. De proche en proche, on est amené à étendre la notion de prédicat aux adpositions et aux marques de cas, qui sont des prédicats à deux places d’argument – des f(x,y) –, et, de là, aux rôles sémantiques eux-mêmes et même à des sèmes internes aux lexèmes qui instancient ces places d’argument; ainsi on ne trouve plus que «des prédicats à perte de vue». Les entités elles-mêmes sont toujours désignées par un de leurs prédicats: les NCs sont des prédicats d’inclusion, les NPs des prédicats de (dé)nomination, même les indexicaux (déictiques, anaphoriques, articles) portent des prédicats de position, par rapport à l’espace, au texte, aux connaissances partagées, etc. Au passage, cinq tabous qui constituent autant d’obstacles à une vue non ethnocentrique des langues et du langage auront été éliminés: 1) la prédicativité des noms (même non relationnels) est reconnue; 2) les adpositions sont des prédicats, et non des «opérateurs» et autres catégories mal définies; 3) les marques de cas également, la différence n’étant que de degré d’intégration: la morphologie flexionnelle n’est qu’une question d’intégration, aucune frontière infranchissable entre morphologie et syntaxe, entre ce qui est intérieur et extérieur au «mot»; l’analyse en «constituants immédiats» n’a pas de limite; 4) les indexicaux sont des prédicats de position; 5) les «déterminants», et autres «spécifieurs», sont des modifieurs comme les autres, qui ne se distinguent des autres que par leur degré d’intégration, marque d’une différence de niveau de constituance. Aucune raison de privilégier les marques segmentales, prépositions, conjonctions, pronoms relatifs à la mode indo-européenne, qui, à l’échelle de la diversité des langues du monde, font figure d’idiosyncrasies. On posera au contraire quatre types de marques hiérarchisés: 1) les marques intégratives sont premières comme pouvant à elles seules indiquer les niveaux de constituance; 2) puis s’y ajoutent les marques séquentielles, et 3) les marques catégorielles, stockées avec les catégories du lexique; 4) quant aux marques segmentales, elles viennent en dernier, elles sont complexes, pouvant jouer à des niveaux de constituance différents et réunissant, comme tout élément du lexique, sous forme de sèmes, des ensembles complexes de prédicats. La lutte contre l’ethnocentrisme des descriptions et des théories est plus que jamais à l’ordre du jour. The aim of this paper is to present an overall picture of the present state of my recent work theoretical frame. Parts of that frame have not changed since the beginning, but not a few new orientations have appeared since then, which have been expounded in various places, according to specific issues. The idea of ‘multipredicativity’ still seems to remain badly thought of among quite a number of linguists of various obedience. And yet, ‘multipredicative languages’, which can be defined as having other parts of speech than the verb able to function as a syntactic predicate without a copula or any copulative item, make clear two crucial facts: *Firstly, that in the absence of a copula or other item classically considered dedicated to non-verbal predication, the right question is: ‘how can it work?’ in the absence of this very item, instead of supposing that exists some ‘zero’ or any hidden operator. We draw from that a heuristic principle and an arm against ethnocentricism, which reveal as being of a remarkable efficiency, as long as we use it systematically whenever the case comes up: ‘when, for a given phenomenon, one is confronted with languages or structures presenting a marker, or any other particular element, and languages or structures which do not present this element (as, for example, languages or structures ‘with’ vs ‘without a copula’) we must start from languages or structures ‘without’ to explain languages or structures ‘with’, that is to say: first explain what makes the ‘structure without’ work in the very absence of the element under consideration, and then only explain what this element does add when it is present, instead of following the opposite path’. *Secondly, that the existence of a copula, of the verb ‘to be’ or any other copulative item, is in no way necessary to have a predicative relation between an adjective (or equivalent), a noun, an adverb or adverbial phrase (or equivalents), and the word to which it refers, and this for the simple reason that the common noun, adjective, adverb and adverbial phrase are by themselves predicates: the copula has nothing to do with it. Step by step, we are led to extend the concept of predicate to adpositions and casual markers, which are two argument predicate – f(x,y) – and from there, to semantic roles themselves and even to semes belonging to the lexemes which instantiate these argument places. Thus, there are nothing else than predicates as far as the eye can see. Entities are themselves always designated by one of their predicates: common nouns are inclusion predicates, proper names are naming predicates (Kripke, Kleiber), even indexical items (deictic, anaphoric items, articles) bear position predicates with regard to space, text, shared knowledge, and so on. In passing, five taboos, which are as many obstacles to a non-ethnocentric view of languages and language, are broken: 1) the predicativity of nouns (even non-relational) is recognized; 2) adpositions are predicates and not operators or others poorly defined categories; 3) case markers also, the difference between adpositions and case markers being only a question of integration degree; flexional morphology is only a question of integration; no insuperable dividing line between morphology and syntax, between inside and outside the word; immediate constituent analysis has no limit; 4) indexical items are position predicates; 5) ‘determiners’ or ‘specifiers’ are modifiers differing from the others only by integration degrees, degrees which are markers of constituency level differences. No reason to favor segmental markers such as prepositions, conjunctions, relative pronouns in Indo-european style, which look idiosyncrasies when seen at the level of the world language diversity. On the contrary we posit four types of markers, organized into the following hierarchy: 1) integrative markers come first, as capable by themselves to indicate constituency levels; 2) then come sequential markers (word order or, more generally speaking, constituent order); 3) categorical markers as stocked in the lexicon with lexical categories; 4) as for segmental markers, they come last, they are complex as they work at different constituency levels and combine, like every lexical item, various complex sets of predicates, which are semes. Fighting against ethnocentricism of descriptions and theories is more than ever on the agenda. |
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