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Title: Suffixation et composition
Subtitle: Composés et dérivés de la racine *Heṷ- «voir» dans les langues indo-européennes
Author(s): LE FEUVRE, Claire
Journal: Bulletin de la Société de Linguistique de Paris
Volume: 105    Issue: 1   Date: 2010   
Pages: 125-144
DOI: 10.2143/BSL.105.1.2062496

Abstract :
On analyse d’ordinaire le v.sl. protivǫ «contre» comme un dérivé en *-ṷo- de *proti. Mais le /i/ long, intoné rude à l’origine, fait préférer une autre analyse, *proti-Hṷ-o- «qui regarde en face», d’où «opposé»: il s’agit d’un composé de la racine *Heṷ- «voir» attestée dans véd. uvé et hitt. ūhhi. La même analyse vaut pour v.sl. pravъ «droit», qui n’est pas un dérivé de *pro «devant» dans sa variante *proH dont l’existence est douteuse pour l’époque indo-européenne, mais un composé *pro-Hṷ-o- «qui regarde devant», d’où «droit». Cet étymon *pro-Hṷ-o- peut aussi rendre compte des adverbes grecs πρωΐ «tôt» (avec désinence refaite) et πρώην «récemment, avant-hier», qui continuent un ancien *πρωϝο- < *pro-Hṷ-o- «qui regarde avant», «tourné vers avant», avec le sens temporel de *pro «avant», alors que le slave continue le sens spatial «devant». Le même étymon rend compte du v.h.a. fruo «tôt» < *frowan < *pro-Hṷ-o-, qui est superposable à la forme grecque *πρωϝ(ο)- et continue lui aussi le sens temporel de *pro «avant». La racine *Heṷ- «voir» se retrouve en slave dans (j)avě «clairement», qui est un emprunt à l’iranien (av. āuuiš, véd. āvíḥ < *Hoṷ-i-s) et non une forme héritée parallèle à la forme indo-iranienne, et dans le substantif v.sl. umъ «esprit», lit. aumuõ, qui continuent un ancien *Hou-mo- (du type ὄγμος «sillon» < *h2og-mo-), et les composés *proti-Hṷ-o- et *pro-Hṷ-o- attestent un ancien nom-racine. Du fait de l’amuïssement des laryngales, ces formes s’analysent en synchronie comme des dérivés à suffixe *-ṷo- et non plus comme des composés. Le slave pravъ ne doit pas être comparé directement avec le latin prāvus «tordu, de travers», pour lequel on propose ici une dérivation différente (*pṛh2-ṷo- «qui dépasse, qui est devant», à l’origine de l’ordinal «premier» du véd. pūrva- et du v.sl. prъvъ: ce qui «dépasse» n’est pas rectiligne).



OCS protivǫ «opposite» is usually analysed as a *-ṷo- derivative of PIE *proti. This is impossible because of the long /i/, originally acute. The word should be analyzed rather as a compound *proti-Hṷ-o-, the second member of which is PIE *Heṷ- «to see» (Hitt. ūhhi, uwanzi), meaning «looking in front of», hence «opposite». The same analysis is proposed for Slavic pravъ «right», which should be analysed, not *proH-ṷo-, but *pro-Hṷ-o- «looking ahead», hence «right». The same etymon *pro-Hṷ-o- explains Gr. *πρωϝο- «looking before», that is, «turned toward the past», «preceding», with the temporal meaning of *pro- (instead of the spatial meaning in Slavic), hence the adverbs πρωΐ «early» with secondary Locative ending, and πρώην «recently», probably an old feminine adjective in a syntagm *πρωϝαν <ἁμέραν>. The same *pro-Hṷ-o- underlies OHG fruo «early», which exactly matches the Greek form and has the same temporal meaning. Therefore one cannot use OHG fruo, Gr. πρωΐ nor Sl. pravъ to reconstruct a variant *proH for the PIE preposition: the laryngeal does not belong to the preposition, it is the initial of the second member of the compound. The root *Heṷ- is found in Indo-Iranian in Ved. āuíḥ «clearly», Av. āuuiš, borrowed in Slavic as (j)avě «clearly», and there is a nominal derivative in Sl. umъ «mind, intellect», Lith. aumuõ-. The outcomes of *pro-Hṷ-o in Slavic, Greek and Germanic should not be compared with Lat. prāvus «not right, deviant», which probably continues *pṛh2-ṷo- «jutting out over», ultimately identical with the ordinal «first» in Slavic (OCS prъvъ) and in Indo-Iranian (Ved. pūrva-).

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