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Document Details : Title: L'éternel retour nietzschéen et la question de la technique Subtitle: De l'amour fait au nihilisme technique selon Heidegger Author(s): MAGGINI, Golfo Journal: Revue Philosophique de Louvain Volume: 108 Issue: 1 Date: février 2010 Pages: 91-112 DOI: 10.2143/RPL.108.1.2046967 Abstract : Dans notre étude, nous tentons de démontrer la mutation interprétative qui survient dans la lecture par Heidegger de la doctrine nietzschéenne de l’éternel retour. Si dans un premier temps le mode dans lequel se temporalise l’éternel retour s’avère être un contre-mouvement par rapport au nihilisme, l’évaluation à nouveaux frais de la doctrine, fera par la suite que c’est la temporalité inauthentique du nihilisme technique qui se manifeste dans le mode de l’éternel retour du même. Penser l’éternel retour signifie encore en 1937 pour Heidegger penser à partir d’une possibilité: c’est l’engendrement de possibilités eu égard au Dasein de l’homme qu’instaure en effet la pensée de l’éternel retour du même. Dans les années trente, Heidegger désigne l’expérience du nihilisme en termes de détresse (Not). La dernière ne relève pas d’un manque, d’une déficience qui serait de l’ordre d’une négation mais évoque plutôt une contrainte, une nécessité. La nécessité dont il est question ici est d’un genre tout à fait particulier et par là même proche de l’amor fati chez Nietzsche. En effet, le rapprochement du «cercle vicieux» de l’éternel retour du mode temporel du «tournant» (Kehre) n’est sans doute pas fortuit. Il repose au contraire sur l’impact considérable de la doctrine nietzschéenne de l’éternel retour comme pensée sur l’histoire qui pose sa propre loi par-delà la scission dualiste entre liberté et causalité. Pourtant, ce geste appropriant n’aura pas de suite. Nietzsche sera en effet replongé dans la compréhension vulgaire du temps et de l’éternité, dans le «toujours-encore» ou bien le «toujours le même» entendus dans le mode de la constantification du constant, «dans le vide d’un maintenant sans durée». Dans l’oblitération de toute scission métaphysique entre essence et existence, par l’annulation même de la différence ontologique, l’éternel retour perd son caractère de possibilité en s’identifiant à la totalité de l’étant. Par conséquent, si la doctrine nietzschéenne est envisagée par Heidegger dans un premier temps comme une possibilité, dans le sens phénoménologique du terme, celle-ci ne désignera par la suite qu’un rapport au réel qui s’achève dans l’objectivation extrême de la technique moderne. In our study we attempt to show the interpretive change that comes about in Heidegger’s reading of Nietzsche’s doctrine of the eternal return. If at first the mode in which the eternal return is temporalised turns out to be a movement that counters nihilism, the outcome of a renewed evaluation of the doctrine is that it is the inauthentic temporality of technical nihilism that manifests itself in the mode of the eternal return of the same. Thinking the eternal return in 1937 still means for Heidegger thinking from a possibility: it is effectively the engendering of possibilities having regard to the Dasein of man that establishes the thought of the eternal return of the same. In the thirties Heidegger refers to the experience of nihilism in terms of distress (Not). The latter does not arise from a lack, a deficiency, which would be in the order of a negation, but rather evokes a constraint, a necessity. The necessity in question here is of a very special type and thus close to the amor fati in Nietzsche. In fact the closeness of the «vicious circle» of the eternal return to the temporal mode of the «turning» (Kehre) is doubtless not fortuitous. On the contrary, it rests on the considerable impact of Nietzsche’s doctrine of the eternal return of the same as a view of history that is situated beyond the dualist scission between freedom and causality. However, the gesture of hermeneutic appropriation in Heidegger’s reading will have no sequel. Nietzsche will plunge again into the vulgar understanding of time and of eternity, understood in the mode of the constantification of the constant, «in the emptiness of a now without duration». In the obliteration of every metaphysical scission between essence and existence, by the very annulment of the ontological difference, the eternal return loses its character of possibility by identifying itself with the totality of the being. Hence, if Nietzsche’s doctrine is envisaged by Heidegger at first as a possibility in the phenomenological sense of the term, it will later refer only to a relationship to the real which ends in the extreme objectification of modern technology. |
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