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Title: Études sur la philosophie de Dharmakārti (II)
Subtitle: L'āśrayaparivṛtti
Author(s): ELTSCHINGER, Vincent
Journal: Journal Asiatique
Volume: 293    Issue: 1   Date: 2005   
Pages: 151-211
DOI: 10.2143/JA.293.1.2002082

Abstract :
English abstract below

Dharmakārti suggère deux modèles de la révolution du point d’appui: l’un de tendance idéaliste (PVSV 51,3-4 et SAS 90), l’autre réaliste (PV II.205ab). Selon le premier, l’āśrayaparivṛtti marque la résorption définitive des modalités duelles ordinaires de la connaissance (caractérisant les Profanes, mais aussi les Sravaka et les Pratyekabuddha); la réalité ultime (tattva) de la notification erronée (vijñaptir vitathākārā), à savoir sa vacuité de toute dualité (dvayaśūnyatā), est désormais directement réalisée. L’asrayaparivṛtti coïncide avec l’éradication de l’imprégnation de dualité (dvayavāsanā) responsable de l’adhésion (abhiniveśa) au sujet et à l’objet; elle est l’élimination de l’ignorance non souillée (akli̋ṭājñāna) formant la cause de l’apparence erronée, consiste en la levée des obstructions (āvaraṇavigama).
Le modèle réaliste (implicite dans PVSV 110,15-111,11, explicite dans PV II.205-210) s’inspire directement de segments sautrāntika de l’AKBh (63,20-23; 93,25-26; 232,25-27), et identifie l’āśrayaparivṛtti à l’éradication définitive (niranvayavināśa) des passions: en tant que la pratique du Chemin contrecarrant (pratipakṣa) les a éliminées jusqu’à leur germe (bīja), c’est-à-dire avec leur imprégnation (vāsanayā saha), les passions ne peuvent (avibhutva) plus infester une série psychique qui leur est essentiellement incompatible (viruddha, etc.). Pour fonder cette impossibilité, Dharmakīrti recourt à un modèle épistémologique strictement sautrāntika, et réinterprète en ce sens le toposcanonique de la luminosité (prabhāsvaratā) naturelle de la pensée.
Chacun des deux modèles s’associe une interprétation de l’āśrayaparivṛtti en termes d’élimination de l’ignorance non souillée, et conçoit cette révolution comme l’éradication de l’imprégnation du facteur contextuellement tenu pour la cause de l’enchaînement au Saṁsāra: dvaya° et kleśavāsanā. Or d’un côté, l’élimination de l’akliṣṭājñāna et de la dvayavāsanā s’interprète aisément comme la levée de l’obstruction au connaissable (jñeyāvaraṇa); de l’autre, l’élimination du relent des passions coïncide chez les Bouddha avec l’éradication de cette même obstruction, laquelle marque traditionnellement l’acquisition de l’omniscience. Que chacun des modèles implique l’omniscience est garanti, d’un côté, par la séquence SAS 90-94, de l’autre par PV II.28-32 et la séquence PV II.141b-144. Quelle qu’en soit la nature, la connaissance ultime propre aux Bouddha, acquise à la révolution (finale) du point d’appui, forme le pāramārthikaprāmaṇa dont la réalisation rend caducs les sāṁvyavahārikapramāṇa, abroge les procédures empirico-pratiques de validation des connaissance (vyavahāra, arthakriyā). Cette suppression ne doit pas faire oublier l’essentiel: sans les saṁvyavahārikapramāṇa, point de pāramārthikapramāṇa.



Close scrutiny of the three passages in which Dharmakīrti mentions the asrayaparivṛtti shows that he consciously developed two alternative models of this key concept in yogācāra soteriology. Whereas the first model (PVSV 51,3-4 and SAS 90) clearly reveals Dharmakīrti’s indebtedness to Vasubandhu’s idealistic works, the second one (PV II.205-210, and implicitly PVSV 110,15-111,11) borrows directly from Sautrāntika that can be gathered from such passages as AKBh 63,20-23, 93,25-26 or 232,25-27. According to the idealistic model, the asrayaparivṛtti consists of the final abandonment of the grasping at duality, grasping that still characterizes Buddhist saints such as the Śrāvakas and Pratyekabuddhas. It coincides with the destruction of the dvayāvasanā, which is responsible for the clinging to the subject-object dichotomy. At that psychological and gnoseological turning point, a Bodhisattva finally rids himself of non-defiled ignorance (akliṣṭājñāna) and hence, jñeyāvaraṇa. According to the realist model, the āśrayaparivṛttiis nothing but the destruction of passions together with their seeds (bīja) or latent tendencies (vāsanā), so that they can no longer pollute a parivṛttāśrayapuruṣa’s mind. It is my contention that in developping the second model, Dharmakīrti reinterpreted the canonical topos of the mind’s natural luminosity (prābhasvaratā) in terms of a purely Sautrāntika doctrinal content. Moreover, all the contexts in which Dharmakīrti alludes to the āśrayaparivṛtti clearly show that he accepted the traditional equivalence between jñeyāvaraṇaprahāṇa and the attainment of omniscience. This doctrinal stance has important consequences on Dharmakīrti’s epistemology: both the pramāṇas and their validation criteria pertain only to samsaric existence and lose all relevance beyond the āśrayaparivṛtti, which is coincidental with release from Saṁsāra and the attainment of enlightenment. No matter how provisional they may be, the sāṁvyavahārikapramāṇas that Buddhist epistemologists discuss in their works are the only paths towards the pāramārthikapramāṇa. In this soteriological function, they represent no less than the Buddhist epistemologists’ interpretation of the traditional cintā° and bhāvanāmayī prajñā.

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